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| | [RP] Ce secret qui n'est qu'à nous. | |
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![[RP] Ce secret qui n'est qu'à nous. Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: [RP] Ce secret qui n'est qu'à nous. Mar 7 Mai 2013 - 18:06 | |
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Paris, survoltée, avait été laissée à toute son impatience, & les routes, longues & cahoteuses, prises sans une hésitation. Oh, bien sûr, il ne l’avait pas choisi. Ça n’aurait tenu qu’à lui, qu’il aurait gardé chambre en Paris pour accueillir, encore, & encore, & encore les robes de Gabriell. Pourtant, il ne fallait pas y penser. Personne n’était au courant.
Il avait bien vu quelques rares regards soupçonneux glisser sur la silhouette fine de Gabriell. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient souhaité s’épancher sur le rôle que l’androgyne avait pu jouer lors du défilé. Sur la robe que, peut-être, elle avait présentée sur l’estrade de la GFA.
De fait, la fameuse nuit où avait été conçu la robe que portait la jeune peintre – pour le détail le moins croustillant - avait été soigneusement dissimulée à tout un chacun. La distance, évidente, que les deux artistes entretenaient avec application n’avait pas plus choqué, & si, peut-être, quelqu’un avait eu l’heur de saisir un regard enflammé qu’ils auraient pu s’échanger, ce quelqu’un aurait définitivement affirmé que l’un des deux était fiévreux. Rien de plus, rien de moins.
D’ailleurs, il n’y avait pas de regards enflammés. Lubin, le visage résolument tourné sur le paysage qui défilait à mesure que le coche avançait, semblait être saisi d’un torticolis. Il n’avait pas dérougi un brin durant tout le trajet, incapable de ne pas sentir que leurs genoux se touchaient puisqu’elle était assise en face, sûr & certain qu’au moindre regard coulé vers elle, il… enfin, il n’avait pas la moindre idée de ce qui se passerait, mais son instinct lui disait que c’était bien des choses qui ne pouvaient se dérouler dans un coche, alors que quatre autres personnes étaient assises là & qu’on pouvait distinctement sentir jusqu’à la couture des sous-vêtements que chacun portaient tant ils étaient serrés.
Imaginez-bien qu’avec tout ceci, le blondinet était au bord de la syncope. Du reste c’est sans doute pour cela que le coche tout juste arrêté, il bondit à l’air libre, manquant les marches proprement & s’éclatant face contre terre. Il entendit peut-être quelques rires étouffés – difficile en effet de retenir son sérieux – ou autres soupirs désespérés – Elisabeth le détestait sans aucun doute - mais ne s’en releva pas moins rapidement, allant aider les petites mains des commis à descendre les bagages.
Voilà donc le comment du pourquoi il en était venu à se retrouver devant la porte de la chambre de Gabriell, ayant tiré la malle de l’androgyne tant bien que mal. Encore une fois. Essoufflé & suant. Encore une fois. Mais cette fois, bien qu’il en meurt d’envie, il ne pousserait pas la porte sans s’être fait annoncer par trois petits coups avant.
- M-Maître Ga-Gabriell ?
Ô mon âme, êtes-vous là ? |
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![[RP] Ce secret qui n'est qu'à nous. Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: [RP] Ce secret qui n'est qu'à nous. Mar 7 Mai 2013 - 19:17 | |
| J'étais enfin à l'abri. À l'abri des regards, à l'abri des gens, à l'abri de ces corps trop proches du mien. Le voyage m'avait étouffée, et même si j'avais pris soin de ne pas croiser le regard de Lubin, j'avais ressenti sa tension aussi aisément que je ressentais la mienne. Très peu de mots avaient été échangés entre nous six. Chacun était épuisé par le défilé de la Guilde : sa préparation, son déroulement et tout le rangement qui s'en était ensuivi avaient achevé toute velléité de discussion. J'étais passée presque inaperçue parmi les mannequins... tout au plus notre patronne avait-elle posé les yeux sur moi, étonnée, mais j'avais fui avant qu'elle ne puisse s'assurer de mon identité. J'avais béni, à ce moment, la pénombre des coulisses ! Cependant, à mon grand soulagement, personne d'autre ne semblait m'avoir reconnue. Imagine, peut-être, qui m'avait elle aussi un instant regardée ? Mais personne n'avait osé me poser de questions, et j'avais repris ma discrétion habituelle. Seules les ombres des loges avaient pu voir ces frôlements de mains, ces baisers furtifs et chastes, ces rougissements légers.
J'avais retrouvé ma chambre, à l'étage, au-dessus des ateliers. Sous les combles me parvenait le doux brouhaha du petit monde qui se réinstallait. Avec un soupir qui exauçait mon envie de détente, je passai mes mains sur mon visage, puis je les trempai dans mon broc d'eau avant de m'en asperger les joues et le front. Encore de la poussière. Et le bandage de ma poitrine mordait ma chair en un pli sarcastique. Mais je savais qu'Il allait monter... Il montait toujours, pour ramener nos bagages, aidant les commis à transporter toutes nos affaires, nos malles et nos robes. Pour ma part je n'avais pas grand-chose à amener mais je l'avais vu prendre ma petite malle avec une autre. J'essuyai mon visage sur mon drap de bain avant de jeter un oeil au miroir : le visage dégagé par la queue-de-cheval qui retenait mes cheveux bruns, la chemise de lin clair à moitié froissée qui ressortait en partie de mes braies grises... j'étais toujours Gabriell, androgyne indéfinissable.
On frappa à la porte. Il frappait à ma porte.
Brutale montée d'adrénaline, de peur, d'envie, de plaisir. Je me demandais, à chaque nouvelle rencontre, comment j'allais oser parler, oser le regarder, oser me mouvoir. Mais comme à chaque fois... mon coeur prenait le dessus et me faisait agir. J'ouvris. Il était là, devant moi, rougissant, ma petite malle posée à ses pieds. Il cherchait son souffle et je répondis en balbutiant :
Je... je suis là. Entrez... et, m... merci !
Je ne pouvais détacher de lui mes yeux brillants. La simple vision de son visage m'inspirait une vague de sentiments mêlés que je ne savais définir. Je m'effaçai devant lui pour le laisser franchir le pas de ma porte, et par réflexe, je la refermai derrière lui. Il... il n'y avait personne dans ce couloir, n'est-ce pas ? Tout en me sentant très idiote, je pensai à m'adosser à la porte pour me donner une contenance, puis je me dis qu'il allait peut-être croire que j'allais l'emprisonner. Et je ne voulais surtout pas l'angoisser. Je le savais encore plus prompt que moi à s'imaginer les pires choses...
Ma main se posa simplement sur celle qui venait de relâcher la poignée de la malle. Je posais les yeux sur ses doigts, fins et blancs, si délicats... des plumes de couturiers. Porter la malle lui avait rougi les jointures des doigts. J'effleurai son poignet puis je m'approchai, hésitante, relevant enfin les yeux pour quérir son regard, et peut-être... son autorisation.
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| Et la porte claqua. Inévitable appel, il sentit en son ventre comme une délicieuse torture, bien plus forte que toutes celles qu’il avait pu avoir après la fameuse nuit, & ce à chaque fois qu’il croisait, apercevait, pensait seulement à Gabriell.
Il déposa la malle, tentant vaille que vaille de contenir ses tremblements, qui, étrangement, ne lui venaient pas d’une angoisse quelconque. En vérité, bien qu’il soit tout à fait hermétique à cette explication, Lubin la désirait tant qu’il en devenait incapable de contrôler ses émotions.
Elle l’avait dit. A moins que ce ne soit son imagination qui lui jouait des tours, son envie irrépressible de goûter à ses lèvres, à sa peau, qui le fasse fantasmer & entendre des choses qu’elle n’avait jamais dites. Mais qu’elle désirait peut-être ? Ce regard, il le connaissait… c’était une question. Une invitation. Une promesse ? Et ses doigts, sur sa main, cette électricité… il en aurait presque retiré ses doigts, si ses muscles tout entiers n’étaient pas tendus vers elle. Mais seulement voilà, sa paume se tourna lentement, ses doigts se lovèrent entre les siens. Comme si leur place avait toujours été là.
Il coula son regard dans le sien. Ruissela sur sa joue. Perla à ses lèvres, & s’y accrocha douloureusement. Elle était désirable, bien plus qu’elle ne se l’imaginait, & la regarder en devenait un supplice délicat doublé d’un ravissement excessif. Et comble de géhenne ! il voulait retrouver cette moue indécente, là où tout n’était qu’ordre & beauté. Et ce luxe. Ce calme. Toute sa volupté.*
Retenant son souffle, il porta ses doigts à son ruban, qui retenait traîtreusement les boucles brunes de la jeune femme. Il ne vit pas, lui, la poussière du voyage, la fatigue sur ses traits, non. Il s’était oublié, lui-même, avec sa propre poussière, sa moiteur d’avoir monté les malles, son épuisement. Il aurait été capable d’en monter mille autres, sans même qu’on le lui demande.
Parce que là, à l’instant, il avait Gabriell contre lui, & qu’il avait posé dans son dos ses mains rougies d’effort, & qu’il pouvait sentir sa peau, & son corps, & ses lèvres.
Et il se rendit compte qu’il n’avait plus désiré que cet instant. Depuis quelques jours… mais depuis trop longtemps. *Baudelaire m'excusera. |
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| Avais-je pensé tout haut ? Il s'était approché de moi. L'une de ses mains avait repris sa place au creux de mon dos, l'autre défaisait le ruban noir qui retenait mes cheveux... et déjà, je me sentais envolée. En quelques jours, j'avais eu le temps de penser, de rêver, de paniquer, de désirer, de pleurer, de bouillir... Un assortiment remarquable d'émotions féminines qui me bouleversaient et qui me faisaient perdre pied. Nous ne nous étions qu'à peine effleurés, depuis ce premier jour, nous avions pris grand soin de ne pas trop nous croiser, tout en cherchant à ne pas nous éviter.
Ma main avait abandonné son poignet et je la posai sur son épaule. Mon souffle frôla le sien puis guida ma bouche sur la sienne tandis que mon autre main trouvat le creux de son dos. J'osai alors poser mes lèvres sur les siennes et je l'embrassai, timidement, délicatement. C'était à peine si j'appuyais plus que pour le frôler. Mais mon coeur battait déjà la chamade, affolé et apaisé par sa présence.
La pénombre de ma mansarde, rassurante, cachait le trouble qui m'avait envahie et qui me faisait rougir. Mais je ne rêvais pas : il était bien là, contre moi, de chair et d'os, avec son corps mince, ses cheveux clairs et ses yeux qui m'attachaient à lui. Je me fis violence pour ne point prolonger ce chaste baiser et je murmurai :
Il ne faut pas que vous restiez trop longtemps ici... On va se demander...
Je me mordis un peu la lèvre inférieure. Et si on nous trouvait ? Si Irma faisait quérir Lubin en urgence et qu'un commis - ou pire, un des artistes ! - montait les marches et apparaissait sans prévenir sur le pas de ma porte ? Je regardai Lubin, soudain angoissée... si ce nouveau baiser scellait la continuité de notre secret, il nous faudrait nous fréquenter dans la plus grande discrétion, dans le plus grand silence. Nous étions tous deux des personnes très effacées et timides de caractère, parlant peu, presque invisibles parmi le chatoiement constant des Doigts d'Or... Peut-être que l'on ne prendrait pas garde à nous. Ou peut-être, au contraire, que l'on s'intéresserait de près à la moindre bribe d'information croustillante nous concernant, nous, les deux artistes les plus insaisissables de tout l'atelier...
Dernière édition par Gabriell le Mer 8 Mai 2013 - 3:55, édité 1 fois |
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Elle avait atrocement raison. Ses mots, chuchotés, murmurés, soufflés du bout des lèvres, sonnaient douloureusement dans les oreilles du maladroit. Il aurait voulu lui dire, le torse fier & la voix claironnante, que jamais ils ne devraient rester cacher, que ce qu’ils vivaient là se devait d’être su jusqu’au bout de monde, là où même les hommes ne posaient plus pieds, & même si le monde n’était pas prêt à soutenir pareille nouvelle. Mais voilà, si Lubin était homme, Lubin était surtout jeune, craintif & angoissé, incapable par la même de les protéger, de la protéger de la misère humaine. Et ça, il en était pleinement conscient.
Alors défait, baissant la tête, il du se mordre la joue pour se détacher d’elle, prenant ses mains dans les siennes & lâchant d’une voix étouffée :
- Vous… Vous avez raison, Maître…
Il rétablissait, par le « maître », un semblant de distance qui, il lui semblait, lui permettrait d’analyser plus clairement la situation. Inspirant profondément, il tenta de se forcer à ne pas bégayer, alors que sa langue au repos fourchait déjà.
- Personne ne doit savoir… Ce n'est pas convenable...
Et les mots lui déchiraient les lèvres. Perdu entre cet amour naissant mais déjà étonnamment entier, & ces choses qu'il comprenait si mal, qu'il concevait tout juste, & qu'il cédait sans en mesurer l'ampleur, il effleurait pourtant à peine la cruauté du monde. Son cocon d'innocence s'était fissuré déjà, & les morceaux tombaient impitoyablement, laissant entrer là une lumière incroyablement claire, & incroyablement dure. Et avant même avoir tout à fait sortir la tête de l’œuf, voilà qu'il voulait dominer le monde.
C’était, à la fois, d’un orgueil adorable & d’une tristesse pétrifiante. Car la Gabriell était à lui, à lui seul, mais qu’il ne pouvait dès lors prétendre s’en vanter. Pourtant, il en mourrait d’envie, oui. C’était là une sensation qu’il découvrait à peine. Etre fier. Orgueilleux. Arrogant même, s’il le fallait.
Mais ne le blâmez pas, mesdames. Lubin était juste amoureux. |
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| Je lui donnai, pour réponse, un baiser plus tendre, plus doux, un peu plus appuyé aussi, osant lui entrouvrir les lèvres pour y faufiler la pointe d'une langue qui caressa brièvement la sienne tandis que je rougissais de mon audace. J'étais prête à me laisser aller à cette enivrante trahison des convenances, mais la crainte d'être surprise me fit reculer. Je caressai du pouce ses mains dans les miennes et je cherchai son regard avant de chuchoter :
Cela devra rester notre secret, maître Lubin...
Puis, avec un doux sourire, je me détachai de lui, bien qu'à regrets, et j'allai rouvrir la porte que j’entrebâillai le temps de jeter furtivement un oeil dans le couloir. Je me sentais comme l'enfant qui cache la coupable mais délicieuse disparition de la moitié du pot de confiture. Mais vous le savez bien, vous aussi : si l'on garde avec soi l'objet interdit qui attise notre gourmandise, il finit très rapidement entièrement dévoré. Et je ne voulais pas aller trop loin. Ho bien sûr... comment aurais-je pu ne pas sentir le battement de mon coeur et la douce palpitation de mon ventre ? Comment aurais-je pu ignorer la douceur de ses lèvres sur les miennes ? Je ne pouvais nier que je désirais tout de lui : sa présence, son amour, son corps, son âme, ses chuchotis, ses frayeurs mêmes, ses maladresses, son regard, ses sourires... Mais si nous restions ici et maintenant dans cette chambre, son absence serait remarquée, avant même la mienne. À contrecoeur, j'ouvris la porte et me tournai vers lui, reprenant sa main dans la mienne pour l'attirer à moi, et je lui chuchotai, après avoir embrassé furtivement sa joue :
Dînez à côté de moi ce soir.
Promesse d'une proximité furtive et interdite mais qui semblerait de toute bonne foi dans un tel moment. Nos places à table n'étaient pas forcément immuables, et au hasard des conversations du jour, nous nous installions où bon nous semblait, parmi ceux de nos collègues et amis qui vivaient, comme nous, sous le toit de l'atelier. En quittant la main de Lubin, je l'effleurai, puis mes yeux se baissèrent et je dis :
Merci beaucoup de m'avoir aidée à monter mon bagage, maître Lubin.
Dernière édition par Gabriell le Mer 8 Mai 2013 - 3:57, édité 1 fois |
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| « D-De… Derien… »
Il avait définitivement perdu le sens des réalités. Ne se rendait-elle pas compte, alors, de l’effet qu’elle avait sur lui ? Ne s’apercevait-elle pas que cette caresse, entre ses lèvres, l’avait rendu inapte à toute réflexion ? Ne comprenait-elle pas qu’un baiser, si léger soit-il sur sa joue, lui disait tout à fait le contraire de ce qu’elle murmurait en vérité ? Là, elle avait dit « dînez à côté de moi ce soir ». Là, il avait entendu « venez avec moi vous asseoir ».
Mais déjà, elle taisait les fantasmes, lui clôturait les sens, le rendait, brutalement, à la réalité. Elle le fichait dehors. Oh, bien sûr, il comprenait. C’était mieux ainsi. Mais il eu un pincement, alors, qu’il trouva fort désagréable. Comme une pointe de susceptibilité qui montait à ses avances – timides mais tout de même ! – soigneusement repoussées. Ô l’ironie… quelques jours plus tôt, il se serait étonné qu’elle lui adresse la parole, même pour le mettre à la porte, & là… là il en serait devenu fou, s’il n’avait pas déjà compris tout le poids de leur secret.
***
Le soir était venu, & avec lui les cloches du dîner. En bas, c’était l’effervescence. Les artistes étaient revenus, & ceux qui n’étaient pas partis revenaient à table sous la seule excuse qu’Attia était là pour présider le repas.
Enfermé dans sa chambre, Lubin peignait. Il s’était lavé, avait enfilé des vêtements propres & neufs, soit une simple chemise de soie, des braies longues, des chausses à lacets. Il avait même noué proprement ses cheveux blonds en catogan, & le ruban, d’un bleu si clair qu’il en devenait blanc, semblait avoir volé sa couleur à ses yeux. Aussi, il ne s’aperçut pas, quand on tapa la troisième fois & qu’il courut pour rejoindre l’assemblée, que sa manche portait trace d’un vert émeraude si semblable au regard de Gabriell.
Il ne la regarda pas. Ne la toucha pas. N’imagina même pas l’effleurer. Pourtant, il s’assit à ses côtés. Et l’électricité qui les parcourut alors fut si forte & palpable qu’il s’étonna qu’aucun des membres de la table ne s’en soit aperçu. |
|  | | Invité Invité
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| L'heure du repas était arrivée. J'étais encore en haut de l'atelier, sous les combles, dans cette petite mansarde sombre par où filtraient les derniers rayons du soleil printanier, et j'avais fait ma toilette avec application, guettant dans le miroir la moindre trace de saleté sur mon corps, car j'avais en horreur la sensation de ne pas être impeccablement propre. Un petit baquet d'eau vaguement tiédie suffisait à mes ablutions quotidiennes même si j'aurais apprécié la détente d'un véritable bain. Cette pensée me fit sourire lorsque me revint en mémoire l'entrée tonitruante de Lubin dans ma chambre, et les scènes de panique mutuelle qui avaient suivi : je me souvenais de ses bras autour de mon corps nu, de la terreur qui m'avait envahie en comprenant qu'il m'avait vue, entièrement vue, et qu'il savait que j'étais femme. Mais la situation n'avait pas évolué comme je l'avais crains. Bien au contraire... Jamais je n'aurais pu imaginer qu'elle puisse aller vers le partage d'un si doux sentiment. Mais Christos semblait en avoir décidé ainsi.
Lorsque je descendis au repas, je m'étais moi aussi vêtue de mes vêtements les plus neufs, puisque nous venions tout juste de rentrer de Paris et que le dîner rassemblait presque toute notre troupe. Je portais invariablement les mêmes couleurs : marron ou noir pour le bas, beige ou blanc pour le haut. Le ruban qui retenait mes cheveux variait parfois, selon mon humeur, seule coquetterie que je m'accordais. Lubin n'était pas encore là. Je m'assis à table en choisissant une place assez discrète, quelque part près d'un angle, éloignée du centre et de l'endroit où convergeaient les regards - c'est à dire éloignée de la Patronne. Nous étions déjà quelques-uns et je répondais avec politesse aux salutations de ceux qui n'étaient pas venus avec nous à Paris, tandis que les autres arrivaient peu à peu des différentes parties de l'atelier, ou de chez eux pour ceux qui avaient la chance de posséder leur propre logis. Impensable, ce soir-là, de ne pas être présent pour écouter le récit du défilé, et les commentaires de chacun. Du coin de l'oeil, je le vis, lui, vêtu de frais, apparaissant hors du couloir à la suite d'Irma. Je m'obligeai à ne pas détourner la tête pour lui sourire, mais puisque je n'avais pas réussi à retenir les muscles de mon visage, je m'empressais de sourire à ma voisine de droite pour lui dire bonjour de la manière sans doute la plus joyeuse qu'elle m'ait jamais entendue employer. Je priai pour qu'elle mette ma soudaine gaieté sur le compte du retour de Paris. Lorsque Lubin s'assit à côté de moi, je me tournai vers lui, le saluai d'un regard et d'un sourire des plus polis, puis enchaînai vers Ercibald qui venaît d'apparaître derrière lui :
Bonsoir maître Lubin ! Bonsoir Ercibald, comment allez-vous ?
Et de m'efforcer de ne point m'attarder sur le visage aimé, détournant le mien pour m'adresser à l'autre homme. Je passai rapidement à d'autres salutations, pour ne point paraître inégale en politesse, accordant à chacun salut de la tête ou sourire poli, quelques mots parfois. Rarement plus. Je restais une femme peu bavarde, effacée, et ce soir-là je fis l'effort de me montrer réellement cordiale pour ne point déplaire à la Patronne qui nous avait tous réunis. Malgré cela, je repris vite le silence attentif que j'observais toujours en société, et j'écoutai les discussions sans y participer. Ma tête, obstinément tournée vers la droite et vers le centre de la tablée, n'offrait à Lubin que ma nuque et ma chevelure brune que j'avais nouée d'un ruban beige, mais je ne pus résister à l'envie ô combien charnelle de le toucher simplement... d'être un peu à lui... Alors, sans détourner le visage, je déplaçais légèrement mes jambes vers la gauche, tout en acquiesçant à celle qui était en train de raconter comme les cahots de la route nous avaient malmenés. Occasion rêvée pour faire mine de me détendre un peu le dos. Ma cheville, sous ma botte, s'appuya timidement contre la sienne, et je ne bougeai plus, visiblement soudainement passionnée par le récit que faisait quelqu'un d'autre de la réaction d'un client richissime à la vision de la robe présentée par la patronne.
Surtout, prenons l'air le plus naturel possible.
Mais comme je me savais mauvaise comédienne, je me concentrais ensuite sur mon assiette et entre deux bouchées, j'essuyai ma bouche avec application, ce qui me permettait de cacher un court instant une partie de mon visage des regards indiscrets. Même au travers du cuir de ma botte, la chaleur de la jambe de Lubin m'était d'une douceur réconfortante. |
|  | | Invité Invité
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Le repas s’annonçait incroyablement long. Le regard dans le vague, il tentait, vainement, d’oublier qu’elle était assise à ses côtés, & qu’il ne pouvait tourner la tête vers Attia sans buter irrémédiablement sur son profil fin, son col de chemise trop haut & ses cheveux noués qui contrastaient si bien avec sa peau laiteuse. Il du s’y attarder une ou deux fois, pas plus. A sa gauche, un commis lui lançait quelques clins d’œil appuyés, pour pousser le couturier sans doute à s’épancher sur leur voyage à Paris.
Semblait-il qu’entre hommes, c’était ce genre de choses que l’on faisait souvent, surtout lorsque l’un d’eux partait dans une ville aussi animée, entouré de plus de femmes qu’on ne se pouvait d’imaginer. Ce qu’il fallait donc raconter, c’était le nombre de couches visitées, de baronnes décoiffées qu’on avait pu croiser, & puis toutes ces cuisses, rondes & fermes, ces peaux laiteuses & douces, & les prix abominables que Mesdames pratiquaient.
Pourtant, Lubin gardait lèvres closes & sourire poli, mal à l’aise dans ce rôle de Don Juan qu’on tentait de lui attribuer. Il faillit riposter d’un simple « non » timide pour retourner se murer dans son silence & ses tourments, laissant là un commis dépité tout autant que rassuré sur ses chances qu’il aurait avec chacune des femmes à cette tablée, lorsque… il la sentit.
La boulette de pain qu’il portait à ses lèvres fut avalée de travers. Il devint rouge, incroyablement plus rouge qu’à l’accoutumée, & le mouchoir brodé porté à ses lèvres, il toussota bien quelques minutes avant de reprendre tout à fait contenance.
Prenons l’air le plus naturel possible ?
D’un raclement de gorge discret, d’un dernier toussotement, d’un regard coulé fugacement sur Gabriell, il se redressa enfin. Prit les devants, peut-être ? Glissa le bout du pied contre sa jambe. Se pinça les lèvres. Il n’osait plus se demander quelle mouche avait bien pu le piquer. Il se sentait voler, il se sentait fier, fort, beau, comme un aiglon prenant tout juste son envol, rapace affirmé, assuré, plein d’audace & de courage. Il oubliait, peu à peu, ses tremblements incessants & sa peur, incontrôlable, de décevoir ou de blesser, de ne pas être à la hauteur de tout ce qu’on pourrait attendre de lui.
Mais il n’était plus seul. Cette affirmation seule lui avait donné des ailes & le remplissait d’une joie qu’il avait bien du mal à maîtriser. Il n’était plus seul. Certes, maladresses & bégaiements ne l’avaient pas quitté, ses angoisses & ses peurs ne partiraient pas. Mais il n’était plus seul. Et dès lors, il pouvait bien se taire à jamais, supporter de ne pouvoir le crier sur tous les toits, rembourser toute sa vie les dégâts qu’il avait fait à l’atelier, assumer les regards lourds de reproches d’Elisabeth sur lui, accepter de n’être à jamais que l’ombre des ombres des étoiles de l’atelier. Il n’était plus seul.
Sourire idiot, passablement dissimulé par la tête baissée sur son assiette qui restait pleine, les mains jointes trop crispées pour être naturelles… la mèche folle, le regard brillant. On ne pouvait guère rêver plus naturel.
Oui, mais il n'était plus seul. |
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